LES FAUX MEDICAMENTS A KINSHASA

La problématique de faux médicaments est une réalité indéniable dans la ville de Kinshasa. Selon certains pharmaciens contactés à ce sujet,  il faut entendre par faux médicaments, tout médicament qui ne suit pas le processus de circuit du médicament. Par processus de circuit du médicament, il est sous-entendu le fait que les médicaments doivent obligatoirement être fabriqués par des Pharmaciens au niveau de l’industrie ou de l’usine, être autorisés par les pharmaciens au niveau des laboratoires et dispensés uniquement par les pharmaciens, seuls acteurs autorisés.

Pour le syndicat des pharmaciens de la capitale, la seule ville de Kinshasa compte plus de cinq mille pharmacies dont moins de cinq cent sont autorisées par l’Ordre National des Pharmaciens.  Cet état des choses se rapproche de la réalité attestant la présence des faux médicaments dans la ville ou plusieurs pharmacies ne sont pas autorisées à œuvrer. Le plus grand lot de faux médicaments se trouve, d’après nos enquêtes dans les pharmacies non autorisées.

Ces produits selon nos sources, entrent ou arrivent à Kinshasa par divers canaux dont les identités des firmes n’ont pas été dévoilées. Cette fraude est pratiquée par circuit parallèle  qui s’écarte du circuit normal d’approvisionnement en médicaments

Le rôle prépondérant du pharmacien

La lutte contre les médicaments impropres à la consommation passe impérativement par l’application effective de la loi portant création de l’Ordre des Pharmaciens. Cette loi stipule en son article 3 que « nul ne peut exercer la pharmacie s’il n’est inscrit au tableau de l’Ordre des Pharmaciens ».  Il est dès lors conseillé de n’acheter les produits pharmaceutiques que dans des pharmacies et auprès de pharmaciens détenant un numéro de l’Ordre.

Par ailleurs, s’agissant de la répression judiciaire, le parquet près le Tribunal de Grande Instance de la Gombe contacté à ce sujet, renseigne que la loi n° 82-001 du 7 janvier 1982 sur la propriété industrielle prévoit dans son article 89, l’infraction de la contrefaçon. Cette disposition vise toute forme de reproduction sans permission ou toutes imitations rendues frauduleusement ou sous une forme déguisée en tout ou en partie d’une œuvre protégée par la loi.

Par rapport aux produits pharmaceutiques contrefaits, les auteurs de cette contre bande sont poursuivis et sont passibles d’une peine d’emprisonnement allant d’un à six mois et d’une amende dont le montant est fixé par les mesures d’exécution. Le parquet procède aussi à la confiscation de ces produits. Une fois saisis, ces produits sont détruits par le service du parquet chargé d’exécuter les peines liées à ce genre d’infraction. C’est à dire que l’appareil judiciaire congolais doit jouer un rôle prépondérant dans le combat contre ce trafic illicite des produits pharmaceutiques contrefaits.

Lorsqu’un patient est traité avec les médicaments incorrects les bactéries ou  les virus sont capables de développer une résistance au traitement.

Contrefaçon et falsification

Il est toutefois important de faire la différence entre médicaments contrefaits et médicaments falsifiés qui à notre avis sont tous des faux médicaments. Ces médicaments proviennent pour la plupart d’Inde ou de Chine.

D’après l’OMS, 1 médicament sur 10 dans le monde est une contrefaçon. En Afrique, ce chiffre monte à 7 médicaments sur 10.

La contrefaçon porte sur l’atteinte au droit de la propriété intellectuelle et industrielle. Elle s’applique au produit, à son conditionnement, à l’emballage ou à l’étiquetage. Un produit contrefait peut contenir de bons ingrédients. Il peut aussi ne pas contenir de principe actif ou en contenir insuffisamment.

En mai 2017, l’OMS a adopté le terme de  produits médicaux falsifiés. Ce sont les produits médicaux dont l’identité, la composition ou la source est représentée de façon trompeuse, que ce soit délibérément ou de manière frauduleuse.

Plus rentable que le trafic de drogue

En Afrique ce sont les médicaments vitaux qui sont la cible des criminels. On peut citer les antipaludéens, les antibiotiques, les antiinflammatoires, les analgésiques (les médicaments contre la douleur), les antirétroviraux (surtout les produits utilisés en cas d’infection VIH) et même les antidiabétiques et les produits dérivés du sang. Ailleurs ce sont les anticancéreux et les médicaments « de confort » qui sont le plus trafiqués.  Les produits dopants (contre le dysfonctionnement sexuel) sont également une cible idéale pour ces trafiquants.

On a trouvé dans ces faux médicaments des produits toxiques et ou cancérigènes, des vecteurs d’insuffisance rénale, des produits ménagers utilisés pour améliorer l’aspect, des principes actifs non désirés.  Certains n’ont même aucun principe actif.

Il s’agit là d’une pratique très rentable. Elle serait d’après certains spécialistes plus rentables que le trafic de drogue. En Afrique elle est encouragée par la corruption qui gangrène l’administration publique, par la porosité des frontières et par l’absence de répression rigoureuse de la part des gouvernements.

Par ailleurs, nos parents de la diaspora ont pris l’habitude d’envoyer aux frères et sœurs restés au pays des médicaments non utilisés. Ils sont sans doute bien intentionnés. Nous recommandons aux bénéficiaires de ces dons de requérir l’avis d’un médecin ou d’un pharmacien avant toute utilisation. Ces médicaments ont été prescrits à des personnes bien identifiées pour traiter une maladie précise dans un contexte précis. Nous avons vu des personnes prendre des antidépresseurs pour traiter des arthroses ou des morphiniques puissants pour soulager une toux. Faisons attention.